Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques ayant un effet suspecté sur le développement fœtal et la fertilité. Ils sont très nombreux et très présents dans notre environnement via les objets, l’alimentation… Certaines professions peuvent être particulièrement exposantes et entrainer un éventuel risque, notamment pendant la grossesse. Il convient donc, devant toute grossesse voire désir de grossesse, d’interroger la femme sur son activité professionnelle pour déterminer si elle nécessite un avis spécialisé de son médecin du travail pour une éventuelle adaptation ou éviction de son poste de travail le plus précocement possible.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un perturbateur endocrinien (PE) est une substance, ou un mélange de substances, qui altère les fonctions du système endocrinien et de ce fait induit des effets néfastes dans un organisme intact, chez sa progéniture ou au sein de (sous)-populations.
Ces substances peuvent interférer avec le système hormonal à chacune de ses étapes : transport, métabolisme, production, régulation des gènes, activation…
Il existe plusieurs mécanismes d’action : mimer ou bloquer l’action d’une hormone (effet agoniste et antagoniste), ou perturber la production ou la régulation d’une hormone ou de son récepteur.
De nombreux projets de recherche sont en cours sur les PE, et le nombre de substances identifiées comme PE ne cesse d’augmenter : en 2013 l’OMS en comptait 177 alors qu’ils sont aujourd’hui indénombrables.
Pour aller plus loin :
Une liste en anglais des substances suspectées ou reconnues comme étant des PE dans la règlementation européenne sur les produits chimiques edlists.org est progressivement mise à jour au fur et à mesure des évaluations des substances réalisées par les Etats membres, et notamment par l’ANSES pour la France. Cette liste n’est pas associée à un étiquetage spécifique et ne fait à ce jour pas l’objet de réglementation pour faciliter la substitution de substances ou l’éviction de poste.
En raison de leur multiplicité et de la diversité des expositions au cours d’une vie humaine, il est très difficile d’établir un lien causal entre l’exposition aux PE et la survenue de pathologies. Néanmoins, la recherche, toujours en cours, suspecte leur implication dans l’apparition de certaines maladies :
L’exposition aux perturbateurs endocriniens a plusieurs caractéristiques :
ATTENTION : De nombreuses interrogations persistent. Les mécanismes d’action des PE et leurs effets sur la santé, sont encore loin d’être connus et font l’objet de nombreuses études. Il n’en demeure pas moins que des précautions s’imposent et qu’il convient de mettre en place une démarche de prévention visant à limiter, à défaut de supprimer l’exposition des travailleurs et tout particulièrement celle des femmes enceintes/allaitantes ou en âge de procréer.
Pour aller plus loin :
La cohorte PELAGIE (pour Perturbateurs endocriniens : étude longitudinale sur les anomalies de la grossesse, l’infertilité et l’enfance) suit, depuis 2002, 3 500 couples mères-enfants habitant en Bretagne. Elle vise à étudier l'impact de contaminants environnementaux sur le développement intra-utérin, puis sur celui de l'enfant.
Les PE sont utilisés dans de nombreux produits de l’environnement domestique et professionnel de vos patients. La contamination peut se faire via divers milieux (eau, aliments, air, poussières) et via l’utilisation de produits ou articles de consommation. La pénétration des PE dans l’organisme se réalise par toutes les voies : inhalation, ingestion, passage percutané, voire voie parentérale (chez le patient via le matériel médical).
Certaines professions doivent vous faire rechercher ou suspecter une exposition potentielle aux PE. C’est le cas par exemple du métier de la coiffure et de l’esthétique, du nettoyage, de l’agriculture, de l’industrie, du secteur de soins (personnels soignants), …
Cette liste n’est pas exhaustive, du fait de la multiplicité des PE. De nombreux professionnels peuvent en effet être potentiellement exposé.
Voici une liste de questions concrètes qui peuvent vous permettre de rechercher une exposition professionnelle aux PE chez une femme enceinte :
Si votre patiente a déjà eu des fausses couches ou des problèmes de fertilité, une vigilance plus particulière est nécessaire. Vous pouvez ainsi l’adresser à la plateforme CREER.
La plateforme CREER (Couple Reproduction Environnement et Risque) du CHU de Marseille est dédiée à l’évaluation des expositions environnementales (qu’elles soient professionnelles ou extra-professionnelles) susceptibles d’avoir un effet sur la reproduction (fertilité, grossesse). Sur la base de l’évaluation réalisée, des conseils personnalisés sont délivrés pour réduire le plus possible ces expositions. Cette plateforme est pluridisciplinaire, regroupant gynécologue obstétricien, biologiste de la reproduction, sage-femme spécialisée en santé environnementale, addictologue et médecin du travail (intervenant dans le cadre du Centre de Consultations de Pathologie Professionnelle).
Une consultation auprès de la plateforme CREER peut être sollicitée directement en écrivant à l’adresse suivante :
claire.sunyach@ap-hm.fr ou par téléphone 04 91 38 42 57
Devant une suspicion d’exposition professionnelle d’une patiente/salariée enceinte à des PE ou en cas de doute sur la comptabilité entre l’état de grossesse et le maintien de l’activité professionnelle, le médecin du travail est l’acteur ressource :
Il est à noter que les salariées bénéficient d’une protection juridique contre tout risque de discrimination ou de perte d’emploi liés à la grossesse.
Exemples de mesures de prévention pouvant être mises en place par les entreprises en cas de présence de PE avec exposition potentielle de femmes enceintes ou en âge de procréer :
En l’absence de médecin du travail (travailleurs indépendants, chefs d’entreprises…), il est possible de prendre conseil auprès de la Consultation de pathologie professionnelle ou directement auprès de la plateforme CREER.
Pour aller plus loin
Dépliants de la Direccte à destination des préventeurs
Dépliants à destination des salariés
Guides de l’URPS ML Provence-Alpes-Côte d’Azur à destination des médecins
Vidéo webinaire CRES du Pr Patrick Fénichel, endocrinologue et gynécologue au CHU de Nice, sur le thème : « Les perturbateurs endocriniens, quelle prévention pour les patients ? »
Dépliants à destination des familles
Dépliant du projet « FEES – Femmes Enceintes, Environnement et Santé » : 10 conseils pour éviter les substances toxiques
Références :
1. Bonde JP, Flachs EM, Rimborg S, Glazer CH, Giwercman A, Ramlau-Hansen CH, et al. The epidemiologic evidence linking prenatal and postnatal exposure to endocrine disrupting chemicals with male reproductive disorders: a systematic review and meta-analysis. Hum Reprod Update. 2016;23(1):104‑25.
2. Rivollier F, Krebs M-O, Kebir O. Perinatal Exposure to Environmental Endocrine Disruptors in the Emergence of Neurodevelopmental Psychiatric Diseases: A Systematic Review. Int J Environ Res Public Health. 12 2019;16(8).
3. Hu Y, Wen S, Yuan D, Peng L, Zeng R, Yang Z, et al. The association between the environmental endocrine disruptor bisphenol A and polycystic ovary syndrome: a systematic review and meta-analysis. Gynecol Endocrinol Off J Int Soc Gynecol Endocrinol. mai 2018;34(5):370‑7.
4. Zuccarello P, Oliveri Conti G, Cavallaro F, Copat C, Cristaldi A, Fiore M, et al. Implication of dietary phthalates in breast cancer. A systematic review. Food Chem Toxicol Int J Publ Br Ind Biol Res Assoc. août 2018;118:667‑74.
5. Song Y, Chou EL, Baecker A, You N-CY, Song Y, Sun Q, et al. Endocrine-disrupting chemicals, risk of type 2 diabetes, and diabetes-related metabolic traits: A systematic review and meta-analysis. J Diabetes. juill 2016;8(4):516‑32.